Retour sur Dianké – Phonurgia Nova
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Retour sur Dianké

Retour sur Dianké

« ON RACONTE TOUJOURS MIEUX UNE HISTOIRE QU’ON AIME »

Tidiane Thiang est sénégalais et réalise des pièces dans le monde entier. A l’occasion du DINARD PODCAST FESTIVAL #1 nous lui avons demandé de présenter son travail. Et de nous introduire dans les coulisses de la fabuleuse série de podcasts de fiction Dianké co-produite au sein du jeune collectif Making Waves, diffusée par RFI, et co-réalisée avec Alexandre Plank. Une série qui contrairement au cinéma ou au théâtre où tout est architecturé autour du mouvement, des déplacements, met surtout l’accent sur les ambiances, les situations tournées en extérieur et les musiques prises sur le terrain.

J’ai fait une bonne partie de mon parcours scolaire à Dakar. Après une licence d’informatique, j’ai travaillé quelques années comme réalisateur dans une association avant de reprendre les études. Je suis venu en France pour étudier la réalisation au Conservatoire Libre du Cinéma Français (CLCF) et plus tard le management des médias à l’École Supérieure du Journalisme de Lille (ESJ). Depuis plus d’une dizaine d’années, je travaille avec des associations et des radios dans la création, la production et la diffusion de contenus éducatifs. J’ai produit et réalisé de nombreuses émissions et ctions radiophoniques dans plusieurs pays d’Afrique (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Togo, Bénin, Niger, Tanzanie, Guinée, Côte d’Ivoire..) et en France. J’anime aussi des ateliers sur les nouvelles écritures radiophoniques pour les jeunes.

Quelques épisodes de la fiction sonore « Dianké » seront diffusés lors du festival. Pourrais-tu nous expliquer comment s’est élaboré le projet ainsi que ses enjeux ?

Dianké est à la base une commande de l’association sénégalaise le Réseau Africain de l’Éducation pour la Santé (RAES) qui voulait sensibiliser les jeunes sur l’engagement citoyen pour une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décision. Au départ de cette aventure sonore, il y a donc une rencontre humaine entre une équipe et un auteur, au sein de laquelle se dessine rapidement un point de convergence : le désir commun de raconter une histoire africaine au féminin, et la volonté de mettre la voix des femmes au centre d’un récit contemporain qui bouscule les stéréotypes de genre. C’est dans ce contexte que nous avons décidé de nous lancer dans la réalisation d’une ction politique réaliste, susceptible d’offrir de nouvelles perspectives et d’inspirer de nouvelles voix dans l’avenir.

Alexandre Plank et toi avez réalisé cette fiction en cinq langues (français et wolof au Sénégal, bambara au Mali, haoussa au Niger et peul au Burkina Faso), qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Pour moi, c’est d’abord un travail d’équipe qui a bien marché. Certes la réalisation est importante, mais il y a les moyens financiers pour y arriver. Il faut remercier les personnes qui ont porté ce projet et qui nous ont fait confiance. L’équipe de production, l’auteur, les musiciens, les comédiens surtout Adama Diop (Lam Solo) qui a été formidable. Pour revenir sur la co-réalisation avec Alexandre Plank, ce n’est pas la première fois qu’on travaille ensemble. On avait déjà travaillé sur la série « C’est la vie ! ». Comme l’auditeur à qui on donne la possibilité d’écouter une fiction et ensuite de transformer ce qu’il entend en mettant des formes et des couleurs, le réalisateur a aussi sa propre idée sur le texte qu’il a entre ses mains. Et c’est là que la co-réalisation et le travail d’équipe sont intéressants sur ce genre de projet parce qu’il y a une complémentarité d’idées et d’approches sur le texte. La création n’est plus une représentation de la capacité personnelle d’un artiste à s’exprimer, mais celle de plusieurs personnes. Cela a très bien marché ! Et nous continuons à travailler ensemble dans la même dynamique au sein du collectif Making Waves (mkwaves.org) dont le but est de favoriser, par la radio et le podcast, l’éclosion d’espaces de dialogue, de transmission, d’expression et de création. Dianké a été bien accueilli dans tous les pays. C’était un projet pour l’Afrique de l’Ouest et finalement elle a été écoutée dans tous les pays francophones. Et pour nous, la version française est aussi importante que les autres versions. Elles ont bénéficié du même niveau d’exigence en termes de production que la version française. Tout le monde ne parle pas français en Afrique et je crois que cela fait énormément plaisir dans les pays où c’est diffusé de pouvoir écouter des productions de qualité dans sa propre langue,. C’est très important pour moi que Dianké soit écouté dans des villages éloignés grâce aux radios communautaires à qui on a remis les versions en langue.

Dianké est interprétée par Aida Sock, on sait que la narration au micro est un art difficile. Quels sont les ingrédients d’une interprétation réussie ?

La narration a surtout été portée par Lam Solo (Adama Diop) qui est un comédien expérimenté. Aida
Sock a davantage été dans l’interprétation des scènes de situation, ce qu’elle a très bien fait. C’est une très bonne comédienne et elle a développé une compréhension assez surprenante de son personnage. Elle savait mettre le curseur au bon endroit. Je pense qu’il y a deux aspects qui ont beaucoup aidé. Le premier aspect est que le parcours de Dianké est similaire au parcours de beaucoup de jeunes filles, pas uniquement sur le continent africain, mais partout dans le monde. Nous sommes dans des sociétés patriarcales où il y a encore beaucoup de travail à faire sur les questions de genre. L’autre aspect, c’est que les scènes en Wolof ont été tournées avant celles en français. Je pense que cela à permis à Aïda de trouver les émotions justes dans sa langue maternelle avant de la restituer dans une autre langue. En plus, elle est chanteuse donc elle a l’habitude de travailler avec ce genre de dispositif d’enregistrement.
Contrairement au cinéma ou au théâtre ou tout est architecturé autour du mouvement, des déplacements, dans la création sonore on met surtout l’accent sur la voix, les ambiances et la musique qui entoure cette voix. J’aurais bien aimé aller plus loin en disant sur les intonations, la diction, mais on ne parle pas français de la même manière partout, de même qu’on ne réagit pas de la même manière face à une même situation. Moi sénégalais, j’aime les imperfections dans la manière (accent) de parler français en Afrique parce qu’il y a une certaine authenticité et reflète la réalité sur place. Je ne crois pas à une recette miracle pour une bonne interprétation, mais je crois à un concours de circonstances qui fait qu’ un (e) interprète répond aux exigences de l’auditeur que nous sommes. Ces circonstances peuvent être d’ordre économique, culturelles, sociales, personnelles, etc.

L’une des formules récurrentes de cette fiction écrite par Insa Sané est: « on raconte toujours mieux une histoire qu’on aime » ; quels sont les pouvoirs de la narration selon toi ?

On dit souvent que la répétition est pédagogique. Dans l’art oratoire, tel qu’il est pratiqué en Afrique, la répétition d’un mot ou une phrase marque son importance dans le discours. Je pense que Insa Sané a utilisé ce même principe dans son écriture pour montrer l’importance que le narrateur porte à cette histoire, qui est aussi une histoire d’amour.

La narration est très importante dans la manière de rencontrer une histoire. C’est un moyen puissant pour un artiste de démontrer que la pensée n’est pas uniforme, unilatérale, gée, mais évolutive, multiforme, changeante et que chacun à une liberté de se créer son propre imaginaire par rapport à l’histoire qu’il veut raconter. Qu’il soit écrit ou oral, il reste une œuvre humaine avec ses imperfections, sa part d’impartialité, de vérité qui appartient au dépositaire, c’est-à-dire au narrateur de la porte et à l’auditeur ou lecteur de l’accepter ou pas. Pour ma part, conférer des pouvoirs à la narration entraînerait de facto une hiérarchisation dans le schéma narratif qui, à mon avis, ne doit en aucun cas être normé dans le champ de la création artistique. Je dirais que la narration sert de passerelle pour ouvrir son monde aux autres ou aller vers le monde des autres.

Quelle est ton actualité sonore en cet été 2021?

Je vous invite à écouter L’Afrique en contes (sur RFI ), c’est une série de 10 contes africains en podcasts qui vous emmène à la rencontre d’animaux qui parlent, racontent leurs aventures dans la forêt et livrent leurs morales aux petits et grands.

Aurais-tu une ou deux recommandations d’écoute en cette année 2021 ?

Classiques (express), est une petite bibliothèque sonore d’œuvres incontournables de la littérature mondiale ramenées au format confetti. Autrement dit, pour vraiment tout comprendre à la santé publique et arrêter de faire semblant. Radio Amandiers – Revue sonore, qui entraîne l’auditeur dans les coulisses du Théâtre Nanterre-Amandiers.

Ces séries sont disponibles sur podcast.ausha.co

Propos recueillis par Hélène Courtel le 31 juillet 2021.

Tous ces portraits publiés à l’occasion du DINARD PODCAST FESTIVAL #1 sont disponibles sur l’espace de publication Calameo “phonurgia nova”.

Retrouvez également les portraits de Kaye Mortley, Chantal Dumas, Sophie Berger, Simone Douek, Jean-Guy Coulange, Daniel Martin-Borret, Fabien Arca, Daniel Deshays et beaucoup d’autres.