Guy Debord à Arles
Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. Qui s’exprime ainsi ? Se promène dans Arles en compagnie d’une jeune chinoise, vêtu d’un grand manteau de cuir marron, se perd dans le quartier de la Roquette secoué par le vent, y entre dans un café. S’attable pour dîner à La Fuente, un restaurant à poissons situé au bas de la rue de la Calade. Un artiste ? un agent secret ? Le couple énigmatique est visiblement décalé. Il a surgi de nulle part, sa présence est inopinée. On le croise parfois prenant le soleil à la terrasse du “Mon bar”, place du Forum, échangeant des confidences à voix basse… C’est là que le peintre arlésien Bessompierre le croise et se liera d’amitié avec lui. Une rencontre marquante comme on en fait peu dans une vie. Ce myope qui s’attable n’est autre que Guy Debord. Son oeuvre est déjà un point de repère pour la pensée critique contemporaine, mais il en ignore tout. Du reste qui pourrait le lire à Arles ? Nous sommes en 1980, les librairies sont rares. Actes Sud ne s’y est pas encre installé. Les Rencontres de la photo sont encore dans l’enfance. En plein marasme économique, Arles dort d’un profond sommeil. Le couple vit là incognito.