Documentaire sonore de création
Sophie Berger, Benoît Bories, Marc-Antoine Granier, Antoine Richard
Qu’est-ce qu’un “Documentaire sonore de création” ? Selon Kaye Mortley, qui a fondé ce workshop en 1989, “c’est un nom que l’on donne (un peu « faute de mieux ») à un type de radio où le réel glisse vers autre chose (« la fiction » ou « l’art », peut-être)… Un type de radio dont le but est moins d’instruire et d’informer (bien que ni l’information, ni l’enseignement n’en soient exclus) que de créer un univers (au sens large) tissé de sons réels. Le “sujet” importe peu, précise-t-elle, n’étant souvent qu’un prétexte permettant à l’auteur de parler de quelque chose de plus universel — ou de plus intime que ledit sujet”.
Pourquoi cette voix plutôt que telle autre ?… Que me racontent-elles ? Pourquoi du son plutôt que du silence ?… Comment tisser un univers entre eux ? Comment passer d’une simple idée à sa réalisation en tenant compte aussi bien des contraintes techniques que des aléas extérieurs, mais sans trahir ses intentions de départ ? Comment trouver son chemin, s’engager dans une voie personnelle en s’exprimant avec les paroles et les sons des autres ? Ce sont quelques exemples de questions qu’aborde spécifiquement ce workshop. Car apprendre le documentaire implique de s’aventurer bien au-delà de l’apprentissage des techniques du son. C’est commencer à se risquer dans cette écriture singulière qui consiste à construire forme et propos dans une constante interaction avec soi et avec ce que l’on enregistre. C’est à cette écriture qu’initie cette formation par laquelle sont passés nombre d’auteur.ice.s. aujourd’hui connus qui exercent à France Culture ou ARTE Radio. Mais encore : comment esquisser sa propre grammaire sonore tout en tenant compte des attentes des différents diffuseurs ? A qui et comment soumettre ses projets ? Autant de questions abordées au fil d’une réalisation collective menée en 7 jours, étape par étape, mêlant repérages, enquêtes, prises de son de jour comme de nuit, collectes, discussions, écoutes critiques, et assemblages sonores.
Objectifs pédagogiques
- s’ouvrir à la part créative du documentaire,
- circonscrire un terrain, border une idée et se lancer
- travailler sa relation au sujet sans le cloisonner,
- apprendre à développer un narratif spécifiquement sonore : découvrir la matérialité du son, sa capacité à peindre ou dessiner un lieu.
- devenir inventif autant dans ses formes de montage (de matériaux, de séquences, de paroles…) que dans son propos
- améliorer ses interactions dans les situations d’enregistrement (recueil de paroles ou d’ambiances) : savoir recueillir la parole vive des gens, leur silence, leur voix
- à chaque étape du projet mené collectivement, se confronter à l’écoute des autres (stagiaires et intervenant.e.s),
- aiguiser ses aptitudes de scénariste,
- acquérir une culture du documentaire et creuser son imaginaire sonore,
- poser les jalons de sa démarche d’auteur.ice.
Déroulé
Le stage s’organise autour d’une création sonore collective d’une vingtaine de minutes, abordée dans des conditions réelles de réalisation. Créer à 8 est un exercice délicat mais particulièrement formateur en ce qu’il permet de mettre à plat les processus de création. La confrontation des écoutes et des idées nourrit le projet en chantier. Les apports théoriques, techniques et méthodologiques s’articulent à sa mise en oeuvre progressive.
A partir de la délimitation d’un « sujet-prétexte » (communiqué en amont du stage), l’atelier chemine à travers les différentes étapes de la fabrication pour aboutir à un « essai documentaire » présenté en public à la fin du stage, puis évalué.
La formation vous invite à vous glisser à la fois dans la peau d’un conteur et d’un ingénieur du son pour apprendre à :
– sortir des ornières du journalisme
– mettre les sons au service d’un propos (tout en s’écartant méthodiquement les schémas classiques d’illustration du réel)
– les capturer en tenant compte des possibilités des micros
– les trier, les organiser, les monter et les mixer selon une syntaxe sonore et des règles formelles cohérentes
– devenir auteur avec les paroles des autres
– vous doter des repères adéquats pour évaluer la marche de votre travail et le faire progresser.
L’atelier mobilise donc différentes aptitudes autour de trois axes :
Axe 1 — méthodologie
Passer d’une idée au projet ; apprendre à gérer les questions, les doutes et les difficultés rencontrés en chemin, sans infidélité aux intuitions de départ; cerner les spécificités de l’écoute et les contraintes qu’elle impose. S’emparer des techniques d’écriture permettant de faire entendre le réel.
Axe 2 — analyse
A partir d’exemples et tout au long des exercices collectifs : comprendre la dramaturgie des sons, saisir la force d’un découpage et d’un montage de paroles, la place des accidents et du silence.
Axe 3 — pratique
Produire des situations sonores adéquates au projet ; aborder le montage comme un acte d’écriture ; mettre en jeu différents procédés narratifs, pour affirmer peu à peu une vision personnelle.
Jour 1
Le premier jour est l’occasion de s’immerger dans l’écoute de documentaires de création, pour nourrir les oreilles et ouvrir des portes sur d’autres écritures. C’est une journée où le groupe précise sa conception du « sujet » proposé, afin de lancer les premières pistes de tournage, mais aussi une journée de prise en main du matériel.
jour 2
Le deuxième jour est dédié aux enregistrements de terrain, souvent par équipes de deux. Si le besoin s’en fait sentir, bien sûr, d’autres prises de son pourront être effectuées les jours suivants et/ou dans les marges du stage.
Jour 3
Le troisième jour est l’occasion de prendre connaissance des rushes de tous, et d’apprendre à classer la matière collectée. Ici « le script naît des sons » : nous partirons de ce que nous avons puisé dans le réel pour jeter les bases de la narration. C’est au cours de cette journée que s’organisent les premiers montages de séquences.
Jours 4, 5 et 6
Ils sont consacrés à l’agencement des séquences montées, par groupe de deux ou parfois en solo. Allers-retours entre montage et écoutes collectives permettent à tous d’imaginer au fur et à mesure des ramifications entre les séquences, un ordre, une narration. La structure définitive de la pièce sonore se dégage au fil des écoutes, par tâtonnements et essais successifs de construction. Des enregistrements complémentaires, (voix de narration, situations ou ambiances) sont déclenchés, en fonction des besoins à combler.
Jour 7
Cette journée de finalisation est entièrement consacrée au mixage. Elle s’achève par une présentation du projet au public et par sa discussion. Questions-réponses : synthèse des apports pédagogiques du stage. Quelles suites ? Les aides à la création, festivals, diffuseurs, etc.
Informations générales
Public
L’atelier s’adresse à celles et ceux qui désirent s’initier ou se professionnaliser dans la réalisation documentaire. On y appréhende l’acte d’enregistrer dans ce qu’il implique intellectuellement, techniquement et esthétiquement.
Pré-requis
Les bases techniques de la prise de son et du logiciel Reaper sont supposés acquises (ce qui n’interdira pas de revenir sur des points de détail). Une initiation à cet outil est proposée dans le module “Initiation artistique et technique à la réalisation sonore“. Ces deux formations qui constituent une progression logique pouvant être associées dans un parcours personnel de formation au documentaire.
Approche pédagogique
Le formateur/la formatrice prennent connaissance en amont des attentes et du parcours de chacun.e. La formation peut être ainsi modulée dans le respect du contenu pédagogique annoncé.
– L’apprentissage par le « faire » est centrale. Les méthodes de travail y poussent à l’extrême le principe de l’enseignement par la pratique et une dynamique participative avec la valorisation des retours d’expérience.
Possibilité d’approfondir et de compléter ce stage avec le module “La prise de son comme acte d’écriture”
Evaluation
- Pré positionnement en amont de la formation : dossier + entretien
- Évaluation en continue par le formateur/la formatrice
- Évaluation finale avec mise en situation : réalisation d’un projet documentaire
Un entretien individualisé à l’entrée en formation et à l’issue de la formation, permettent de mesurer la progression réalisée par chaque participant au regard de ses objectifs personnels. Une attestation individuelle de fin de formation, rappelant les objectifs visés, est remise à chacun. Un questionnaire d’évaluation qualitative du stage est soumis à chaque participant après la formation et analysé par l’équipe pédagogique. Ces retours permettent d’optimiser le dispositif du stage.
Cette formation a un taux de satisfaction de 95% (taux de répondants 73% au 01/08/2024).
La formation présente un taux de livrable (exercice finalisé) de 100% en 2024 au 4 septembre.
Admission en formation
Chaque candidat reçoit en amont de la formation un questionnaire d’auto-évaluation dans lequel il retrace son parcours et formule ses besoins. Nous nous assurons ainsi de l’adéquation de vos attentes avec les caractéristiques de la formation. Ce questionnaire d’autoévaluation est à solliciter et à retourner par mail (info@phonurgia.org) au minimum un mois avant le début de la formation.
Moyens pédagogiques
– Une équipe pédagogique composée d’un.e professionnel.le reconnu.e, et d’un.e assistant.e au-delà de 8 participants
– Une équipe logistique présente notamment pour faciliter les prises de sons (lieu, matériel, contacts…) et la vie du stage (repas, déplacements, hébergement, questions pratiques)
– Une bibliothèque d’ouvrages sur le son, l’écoute, les arts du son et de la radio et une importante phonothèque d’étude.
Moyens techniques
Nous mettons à disposition du matériel de prise de son, montage et mixage. Parmi lesquels : stations de montage MacBookPro et PC équipées du logiciel Reaper. Surfaces de contrôle Icon Plateforme M. Ecoutes monitoring : Cabasse Goelette, Yamaha HS8 MP ou Génélec 8040. Enregistreurs : Zoom H5 et Sounddevice MixPre 3. Casques : Beyerdynamic DT 770 Pro. Microphones : Beyer 88, Rode NT3, NT4, NT5, Shure SM58, AudioTechnica AT 825, AT 40415, AT 8022, Sennheiser MD 21. Schoeps CCM41 et CCM8. Perches, bonnettes, Rycote. Nous vous recommandons néanmoins de vous munir de vos propres équipements (casque, micros, enregistreur, ordinateur) si vous en possédez. Vous conserverez ainsi vos repères personnels, et pourrez en approfondir la maîtrise.
Intervenants
En 2007, Jeanne Debarsy obtient son diplôme d’ingénieur du son à l’IAD (Belgique) et entame rapidement des collaborations avec de nombreux artistes. Elle se passionne pour le média radiophonique car il lui offre une précieuse liberté d’action et d’expression. En 2011, elle réalise son premier documentaire radiophonique “Ino Vaovao Mada?” mêlant voyages, rencontres, musique et paysage sonore. Par la suite, elle réalise les documentaires “Los Santos” (2013), “Terre Noire” (2014), “Après la pluie” (2020) et “Sous l’eau, les larmes du poisson ne se voient pas” (2021), largement diffusés à l’international.
Ses créations l’amènent à explorer des terrains où les mondes animaux, végétaux et humains se côtoient et se caressent subtilement, des terrains constitués d’espaces singuliers, d’instants magiques et de paroles nécessaires. En 2017, elle co-signe sa première fiction sonore “La première fois que je suis devenu fou(le)”, marquant le début d’une période expérimentale où le son prend le pas sur le discours, comme en témoignent ses créations “Avec le vent” (2017), “Fragments from Africa” (2017), “Nocturnes” (2017), “Maybe Nothing” (2023) “Dans le pli de la doublure” (2023), ou encore son installation “Listen to the Pulse” à la Nuit Blanche 2019 de Bruxelles. En 2016, elle co-crée la structure de production Babelfish basée en Belgique. En 2018, elle reçoit le PRIX RADIO de la Scam Belgique pour l’ensemble de son travail. En 2019, elle co-crée le collectif We Lo(u)ve Radio, proposant des performances et installations sonores. Parallèlement, elle se consacre à la transmission de la création sonore au sein de structures telles que l’INSAS ou l’ACSR.
Réalisateur et créateur indépendant, Antoine Richard a étudié l’écriture sonore à l’Ensatt avec Daniel Deshays après un cursus musical. Son approche élargie de la création et de la réalisation sonore l’emmène à travailler dans différents domaines : la radio, le théâtre et la danse, la muséographie, le cinéma, la musique. Il travaille ponctuellement pour France Culture et fait partie du collectif et de l’ONG Making Waves, et enseigne la réalisation sonore dans différentes structures de formation.
Il poursuit par ailleurs l’élaboration de ses propres créations sonores dans lesquelles il explore avec sensibilité les territoires de l’intime, et s’attache à inventer des formes qui tendent à décloisonner les genres. Il a reçu pour son travail, le Prix Italia et le Grand Prix Fiction de la SGDL (Le chagrin – 2016), le prix Phonurgia Nova du documentaire (sur la touche – 2018, Là ou se rejoignent les rivières, mention en 2022), le prix SACD jeune talent avec l’ensemble de la compagnie les Hommes Approximatifs (2018, théâtre).
Au théâtre il fait notamment partie de la compagnie des Hommes Approximatifs dirigée par Caroline Guiela Nguyen, et travaille à la création sonore des spectacles de Matthias Langhoff, Jean-Louis Hourdin, Richard Brunel, Julie Delille, Olivier Maurin….
Il fonde en 2021 silencesplateaux.fr , association et plateforme en ligne dédiée aux professionnel.le.s de la création sonore pour la scène.
Il est compositeur et réalisateur radio. Fabrique des documentaires où se croisent récits poétiques et création sonore. Sa formation vient à la fois du sonore électronique expérimental et du spectacle vivant (Cie KompleXKapharnanüM), comme de travaux radiophoniques en collectif (co-fondateur de l’émission MégaCombi sur Radio Canut à Lyon).
La création radiophonique est pour lui une affaire de curiosité, de mélanges des genres et d’influences multiples. Il a produit des essais radios pour France Culture (Ateliers de la Nuit, Création on air, L’Expérience) et sur la RTBF, la RTS, Radio Campus. Ses pièces Entre les mères, Total désir, Ville Souterraine, 23 Nuits.., ont été diffusées dans les festivals et sur Tënk. En 2019, son documentaire Ville souterraine reçoit le prix Phonurgia Nova BnF Archives de la Parole. Il chemine dans le sensible de la ville où il aime à se perdre.
Documentariste et créateur sonore, Benoît Bories produit des documentaires et des créations sonores pour France Culture, Arte radio, la RTBF, la RTS, Deutschland Radio Kultur et ABC. Depuis quelques années, il élabore également des créations sonores pour le spectacle vivant, des installations et des performances live. Au cours de ses expériences, il a été amené à établir un formalisme d’écriture sonore qui lui est propre, empruntant au documentaire social, à la composition acousmatique et à l’écologie sonore. Benoit Bories a remporté plusieurs prix et nominations à l’international.
Travaux de stage
Retour d'expériences
Informations
12 Oct 18 Oct 2024 Dinard Toutes les sessions :
Termes Toutes les sessions :
Durée : 7 jours (49h)
Effectif : 8 participants maximum
Etudiant : 600 euros
Individuel : 900 euros
Formation continue : 2 450 euros
Financement OPCO (AFDAS,…) ou Pôle Emploi possible
Plus de renseignements sur ce stage
Par téléphone au 06 09 64 65 39
Par email : info@phonurgia.fr