
Construire une narration
Antoine Richard
« On dit qu’un documentaire s’écrit trois fois : à l’écriture du projet, au tournage, et au montage. »
De la prise de son à la réalisation il y a parfois tout un monde… C’est celui de la construction narrative, du montage. Ce nouveau workshop confié au réalisateur sonore Antoine Richard s’adresse aux autrices et auteurs en quête d’un accompagnement personnel dans cette phase critique de leurs projets.
La fabrication d’un documentaire sonore se déploie sur un temps long. Jadis à l’ACR de France Culture, cette gestation se comptait en mois (1). Elle s’opérait en équipe dans un dialogue entre auteurs et producteurs. Cette temporalité et ce dialogue permettaient de réfléchir longuement au sujet, à l’alliance du fond et de la forme. « Il y avait toute la réflexion, toute la maturation de la chose et surtout des sons que l’on glanait au fur et à mesure de la réalisation » se souvient Marie-Ange Garrandeau, «ce qui permettait de travailler de manière presque illimitée sur un seul documentaire ».
Même sur des projets bien cadrés, cette élaboration implique toujours d’emprunter plus d’un chemin (et d’en rebrousser parfois, pour s’engager dans de nouvelles voies). Parmi les difficultés les plus fréquentes, il arrive que la matière enregistrée déborde le projet ou le dévie. Comment gérer cet écart ? Comment prendre du recul avec ce que racontent les sons alignés sur les pistes ? Comment, à partir d’un échafaudage provisoire de rushes, (ré)interroger ce qui a déclenché le désir initial du documentaire, pour relancer sa construction ?
Parfois, ce processus gagne à être partagé. Ce nouveau workshop vise à dynamiser ce temps de fabrication, en permettant à chacun.e de fortifier ses intuitions d’auteur, de gagner en assurance et en originalité dans ses options de narration.
En deux sessions (2 fois 4 jours, entrecoupés d’un temps de travail personnel pendant lequel les participants pourront emprunter du matériel de prise de son pour retourner sur le terrain), il s’agira de donner des ailes à son projet documentaire.
Deux axes directeurs traversent ces sessions :
Le premier axe concerne l’envie, le désir (conscient ou non) de raconter quelque chose par le son et qui doit être stimulé, questionné. Il s’agira de s’appuyer sur les enregistrements de chaque participant pour identifier ce qui est réellement déclencheur, central et qui fait la particularité de chaque projet.
L’autre axe est un ensemble d’éléments d’ordre méthodologique, technique et esthétique. L’objectif est de lever les obstacles qui peuvent entraver la réussite d’un projet. Il s’agira alors d’y remédier par des conseils, très souvent en repensant simplement sa manière de procéder.
Objectifs pédagogiques
A partir des rushes de chacun.e, il s’agit de…
1. Travailler sa relation au « sujet »
2. Apprendre à creuser la singularité de son propos
3. Libérer ses idées au bénéfice d’une expression personnelle plus authentique
4. Se donner de nouvelles options d’écriture
5. Evaluer son travail et organiser son temps
6. S’écarter du discursif pour développer un narratif au-delà des mots
7. Devenir inventif dans ses formes de montage
8. Repenser ses techniques d’enregistrement
9. Se confronter à l’écoute des autres (stagiaires et intervenant.e.s)
Déroulé
PREMIERE SESSION
On questionnera la place du sonore dans les oeuvres documentaires qui ont marqué l’histoire du genre. Puis nous plongerons, collectivement d’abord, et ensuite de manière individuelle dans les travaux de chacun (en pariant sur une fertilisation croisée des réflexions, idées et sensibilités). En conclusion de cette session, vous repartirez avec un regard nouveau sur la structure de votre documentaire, des propositions méthodologiques et techniques pour le développer. C’est un temps de décantation et potentiellement de ré-orientation de votre projet.
Travail collectif
– Présentation de chaque projet sur le plan sonore et formel (état d’avancement, difficultés rencontrées, incertitudes)
– Identification des intentions profondes de chaque projet
– Evaluation du potentiel narratif du matériel enregistré
– Optimisation des méthodes de dérushage
– Organisation de son espace de travail (logiciel)
– Adoption de nouveaux outils de visualisation de l’œuvre dans son ensemble.
Travail individuel avec le formateur :
– Hiérarchisation de ses rushes
– Evaluation des forces et faiblesses de son projet en terme de structure.
– Affirmation de ses intentions formelles : rythme, espace(s), création sonore ou musicale, cohérence des aspects techniques.
– Essais de montage ou remontage de séquences
– Articulation d’une première esquisse narrative
Echanges avec le groupe :
– Analyse collective des montages réalisés
– Ecoute d’œuvres sonores en résonance avec les projets entamés, ou pouvant ouvrir sur de nouvelles pistes d’écriture
ENTRE LES SESSIONS
Par un travail d’écriture, des prises de sons complémentaires, des essais de re-montage, etc… vous êtes invités à vous projeter vers un état plus avancé de votre projet. Durant l’intervalle, vous restez en contact avec l’intervenant et avez la possibilité d’échanger en visio avec lui.
DEUXIEME SESSION
Nous mettrons à nouveau en commun les projets de chacun, pour mesurer collectivement les évolutions en cours.
Nous poursuivrons le travail de montage et de pré-mix avec l’idée que chacun reparte avec une V1 de son projet.
Pendant les temps collectifs :
– Écoute et discussion autour de chaque projet, évaluation des avancées et des alternatives
– Analyse d’œuvres sonores en résonance avec les projets engagés
– Approche des réseaux de diffusion du documentaire radiophonique (constitution d’un « carnet d’adresse » de diffuseurs potentiels (structures publiques, privées, radio, podcast, festival, prix et concours, presse, etc…)
Travail individuel :
– Ajustements ou ré-orientation des projets
– Poursuite du travail de montage avec le formateur dans l’idée d’aboutir à un « ours » (version 1).
– Si utilisation de musique, d’extrait de film ou autre œuvre pré-existante, questions relatives au droit des auteurs
– Esquisses des premières idées de mixages et réalisation d’un pré-mix.
– Ecriture d’un dossier de communication (note d’intention, textes de présentation, etc…) après identification des possibles diffuseurs
– Bilan et perspectives de chaque projet
Fin de stage :
– Bilan collectif et dernières questions
Informations générales
Public
L’atelier s’adresse à des auteur.ice.s qui désirent consolider leur pratique du documentaire.
Pré-requis
Aisance avec les outils de prise de son et de montage. Connaissance des bases du montage sur un logiciel dédié (tout type de logiciel professionnel comme Reaper, Logic, Nuendo, Protools etc…).
Etre porteur d’un projet précis au stade de l’enregistrement ou en cours de montage
Modalités
Présentiel + visioconférence, pour combiner l’efficacité des deux situations
Le formateur prend connaissance en amont des attentes et du parcours de chacun.e.
Evaluation
- Pré positionnement en amont de la formation : dossier + entretien
- Évaluation en continue par le formateur/la formatrice
- Évaluation finale avec mise en situation : réalisation d’un projet documentaire
Un entretien individualisé à l’entrée en formation et à l’issue de la formation, permettent de mesurer la progression réalisée par chaque participant au regard de ses objectifs personnels. Une attestation individuelle de fin de formation, rappelant les objectifs visés, est remise à chacun. Un questionnaire d’évaluation qualitative du stage est soumis à chaque participant après la formation et analysé par l’équipe pédagogique. Ces retours permettent d’optimiser le dispositif du stage.
Admission en formation
Chaque candidat reçoit en amont de la formation un questionnaire d’auto-évaluation dans lequel il retrace son parcours et formule ses besoins. Nous nous assurons ainsi de l’adéquation de vos attentes avec les caractéristiques de la formation. Ce questionnaire d’autoévaluation est à solliciter et à retourner par mail (info@phonurgia.org) au minimum un mois avant le début de la formation.
Critères d’admission
– Pertinence du média sonore au regard du projet décrit par les candidats
– Entretien préalable avec l’organisme de formation
Moyens pédagogiques
Travail individuel et collectif (avec possibilité d’emprunter du matériel de prise de son pour aller plus loin dans la quête du matériau sonore)
Un studio doté d’une bibliothèque sonore et d’une phonothèque de référence.
L’encadrement est assuré par des professionnel·les en activités, engagés en faveur du documentaire de création.
Moyens techniques
Nous mettons à disposition du matériel de prise de son, montage et mixage. Parmi lesquels : stations de montage MacBookPro et PC équipées du logiciel Reaper. Surfaces de contrôle Icon Plateforme M. Ecoutes monitoring : Cabasse Goelette, Yamaha HS8 MP ou Génélec 8040. Enregistreurs : Zoom H5 et Sounddevice MixPre 3. Casques : Beyerdynamic DT 770 Pro. Microphones : Beyer 88, Rode NT3, NT4, NT5, Shure SM58, AudioTechnica AT 825, AT 40415, AT 8022, Sennheiser MD 21. Schoeps CCM41 et CCM8. Perches, bonnettes, Rycote. Nous vous recommandons néanmoins de vous munir de vos propres équipements (casque, micros, enregistreur, ordinateur) si vous en possédez. Vous conserverez ainsi vos repères personnels, et pourrez en approfondir la maîtrise.
(1) L’Atelier de création radiophonique (ACR) fut fondé en 1969 par Alain Trutat, et dirigé par René Farabet pendant 30 ans. Il permettait d’initier les productions radiophoniques formellement les plus poussées. Dans la lignée du studio d’essais de Pierre Schaeffer, il aura permis à de nombreux auteurs et autrices de produire des œuvres personnelles ou collectives, tant dans les domaines du documentaire, que dans des formes hybrides ou expérimentales. Georges Perec, Claude Ollier, Kaye Mortley, Yann Paranthoën, Christian Rosset, Jean Thibaudeau, Marguerite Duras, Andrew Orr, Nicolas Frize, Michel Chion y ont travaillé.
Intervenant

Antoine Richard a étudié l’écriture sonore à l’Ensatt avec Daniel Deshays, après un cursus musical. Son approche élargie de la création sonore l’emmène à travailler dans différents domaines artistiques : radio, théâtre et danse, muséographie, cinéma, musique. Il travaille notamment pour France Culture, fait partie du collectif et ONG Making Waves. Il enseigne la réalisation sonore dans différentes structures de formation. Il poursuit par ailleurs l’élaboration de ses propres créations sonores dans lesquelles il explore les territoires de l’intime, et s’attache à inventer des formes qui tendent à décloisonner les genres. Son travail a été récompensé par le Prix Italia et le Grand Prix Fiction de la SGDL (Le chagrin – 2016), le prix Phonurgia Nova du documentaire (Sur la touche – 2018, La ou se rejoignent les rivières / mention du jury 2022), le prix SACD jeune talent avec l’ensemble de la compagnie Les Hommes Approximatifs (2018, théâtre). Il fait partie de la compagnie des Hommes Approximatifs dirigée par Caroline Guiela Nguyen, et travaille à la création sonore des spectacles de Matthias Langhoff, Jean-Louis Hourdin, Richard Brunel, Julie Delille, Olivier Maurin. Il a fondé en 2021 silencesplateaux.fr , association et plateforme en ligne dédiée aux professionnel.le.s de la création sonore pour la scène.
Informations
17 Mai 20 Mai 2023 2ème partie : Dinard Toutes les sessions :
25 Août 28 Août 2023
Durée : 2 x 4 jours + visio 1 heure (57 heures)
Effectif : 7 participants maximum
Etudiant : 600 euros
Individuel : 900 euros
Formation continue : 2730 euros
Plus de renseignements sur ce stage
Par téléphone au 06 09 64 65 39
Par email : info@phonurgia.fr