Construire une narration (suivi de projet)
Antoine Richard, Benoît Bories
« Un documentaire s’écrit trois fois, à l’écriture du projet, au tournage et au montage. »
On sait que le réel a peu d’intérêt dans sa saisie brute : il ne prend forme et justesse que dans une réécriture. Transformer la polyphonie du monde en objet sonore suppose d’imaginer des dispositifs d’interprétation de la matière enregistrée. C’est notamment le travail du montage qui donne à la radio sa dimension narrative. Ses techniques multiples jouent un rôle décisif dans la recherche d’une voie singulière. Or, même sur des projets bien cadrés, cette étape de construction implique toujours d’explorer plus d’un chemin (et de savoir en rebrousser parfois pour s’engager dans de nouvelles voies). Parmi les difficultés les plus fréquentes, il arrive que la matière enregistrée déborde le projet ou le dévie de son axe. Comment gérer cet écart ? Comment prendre du recul avec ce que racontent les sons alignés sur les pistes ? Comment, à partir d’un échafaudage provisoire d’hypothèses et de rushes, (ré)interroger ce qui a déclenché le désir initial du documentaire ou de la fiction, pour relancer sa construction ? Mais aussi, comment orchestrer paroles, bruitages, ambiances et musiques dans un souci d’harmonie, de tempo, de rebond, de continuité narrative. Ces processus gagnent à être partagés. Jadis, notamment à l’ACR de France Culture (*), cette construction s’étalait sur un temps long, mais surtout s’opérait en équipe dans un dialogue entre auteurs et techniciens. Ce dialogue permettait de réfléchir longuement à l’alliance du fond et de la forme : « Il y avait toute la réflexion, toute la maturation de la chose et surtout des sons que l’on glanait au fur et à mesure de la réalisation » se souvient Marie-Ange Garrandeau, « ce qui permettait de travailler de manière presque illimitée ». C’est cette dimension collective de la réflexion et ce temps nécessaire de décantation, que cet atelier a pour ambition de réintroduire. Avec pour objectif de dynamiser le temps de la fabrication, en vous permettant à la fois de fortifier vos intuitions d’auteur, et de gagner en assurance et en originalité.
Vous serez accompagné·e·s pendant près de 3 mois dans le cadre d’un suivi individuel et collectif, afin d’interroger votre démarche, de développer votre projet en cours et de faire progresser sa réalisation. L’échange de réflexions et le partage de conseils méthodologiques adaptés vous permettront d’assoir votre pratique et de renforcer votre positionnement d’ auteur·ice.
(*) A partir de 1969, sous l’impulsion d’Alain Trutat et de René Farabet, l’ACR sera le lieu d’émergence de nouvelles pratiques, essentiellement documentaires (pour faire court). Au sein de France Culture, c’est une cellule à part qui déroge à l’organisation habituelle du travail et à la division des taches artistiques. Une sorte de programme dans le programme qui s’enregistre en dehors des studios ; dirige ses micros sur la société et sur la rue ; se fabrique de préférence collectivement (au moins durant les 10 premières années), avec pour ambition de dépasser l’écrit, d’échapper à ses facilités (quand bien même une radio d’écrivains a montré sa fécondité) pour explorer l’épaisseur sémantique du sonore.
Objectifs pédagogiques
Prenant appui sur votre parcours professionnel et votre pratique (même récente) du sonore, l’objectif de la formation est de vous accompagner pendant 2 à 3 mois dans le cadre d’un suivi tantôt individuel et tantôt collectif, alternant sessions critiques et étapes de tournage et de réalisation.
Elle se structure autour de deux axes :
Le premier concerne l’envie, le désir (conscient ou non) de raconter quelque chose par le son, qui doit être stimulé, questionné. Il s’agira pour chaque participant de s’appuyer sur ses premiers enregistrements pour identifier ce qui est réellement déclencheur, moteur, central, et initier la poursuite du tournage.
L’autre est d’ordre méthodologique, technique et esthétique. Il s’agit, par des conseils, de lever les obstacles qui peuvent entraver l’avancement de votre projet, très souvent en repensant simplement votre manière de procéder à chaque étape : méthodes de recueil de la parole, construction des situations de prise de son, derushage et montage.
A partir des projets de chacun.e, il s’agit de..
1. développer une distance critique avec sa pratique
2. tester de nouvelles options d’écriture
3. accroître sa maîtrise des outils techniques
4. repenser ses techniques d’enregistrement
5. apprendre à évaluer son travail et mieux organiser son temps
6. s’écarter du registre discursif pour développer un narratif sonore
7. devenir inventif dans ses formes de montage
8. se confronter à l’écoute des autres (stagiaires et intervenant.e.s)
9. développer une vision personnelle du documentaire
10. développer son réseau professionnel
Déroulé
Par l’alternance de séances collectives et d’entretiens individuels, d’exercices d’écriture et de tournages, il s’agit de passer du projet rêvé à une réalisation en devenir. Ce partage quotidien permettra de faire surgir des idées, des hypothèses, des pistes de travail qui assureront la poursuite du travail d’élaboration après le stage.
Une petite audiothèque personnelle (liste ou liens de créations) sera proposée aux stagiaires en fonction de chacun de leurs projets.
Les écoutes de créations radiophoniques récentes ou du patrimoine seront suivies d’échanges et de discussions. On y questionnera la place narrative du sonore.
PREMIERE SESSION / 4 JOURS
Collectivement d’abord et ensuite de manière individuelle, nous plongerons dans les travaux de chacun (en pariant sur une fertilisation croisée des réflexions, idées et sensibilités). Chacune, chacun, repartira de ces 4 jours avec un regard nouveau sur la structure de son projet (documentaire, fiction ou forme hybride), des propositions méthodologiques et des pistes nouvelles de tournage. C’est une étape de décantation et potentiellement de réorientation de chaque projet. (Compétence visée : analyse critique et méthodologie de travail)
Travail collectif
– Présentation de chaque projet (état d’avancement, difficultés rencontrées, incertitudes)
– Exploration des intentions profondes de chacun
– Evaluation du potentiel narratif du matériel déjà enregistré
– Optimisation des méthodes de dérushage
– Organisation de l’espace de travail de chacune/chacun (logiciel)
– Adoption de nouveaux outils de visualisation de l’œuvre dans son ensemble.
Travail individuel avec le formateur :
– Hiérarchisation de ses rushes, planification de nouveaux tournages
– Evaluation de son projet en terme de structure
– Affirmation de ses intentions formelles : rythme, espace(s), création sonore ou musicale, cohérence des aspects techniques.
– Essais de montage ou de remontage de séquences
– Articulation d’une première forme narrative
En groupe :
– Analyse collective des montages réalisés
– Ecoute d’œuvres sonores en résonance avec les projets entamés, ou pouvant ouvrir sur de nouvelles pistes d’écriture
ENTRE LES SESSIONS 1 JOURNEE
Ce temps intercalaire entre les deux sessions collectives est un temps de pratique individuelle intensive : retour sur le terrain et planification de nouvelles situations de tournage, collecte de matériaux sonores tenant compte des apports de la session 1.
Une journée en visio au mitan du stage est destinée à faire un point avec le formateur sur l’avancement de ces tournages et re-montages.
DEUXIEME SESSION de 4 JOURS
Nous mesurerons collectivement les évolutions en cours. Puis, par la même alternance de séances collectives et individuelles, nous avancerons dans le travail de montage et de pré-mix avec l’idée que chacun reparte avec une V1 de son projet. (Compétence visée : mise en oeuvre d’un projet personnel)
Pendant les temps collectifs :
– Écoute et discussion autour de chaque projet, évaluation des avancées et des alternatives
– Découverte d’œuvres sonores en résonance avec les projets engagés
– Approche des réseaux de diffusion de la création radiophonique (constitution d’un « carnet d’adresse » de diffuseurs potentiels (structures publiques, privées, radio, podcast, festival, prix et concours, presse, etc…)
Travail individuel :
– Ajustements ou réorientation des projets
– Poursuite du travail de montage dans l’idée d’aboutir à un « ours » (version 1).
– Esquisses des premières idées de mixages et pré-mix.
– Rédaction d’un dossier de communication (note d’intention, textes de présentation, etc…) après identification des possibles diffuseurs
– Bilan et perspectives de chaque projet
Fin de stage :
– Bilan collectif et dernières questions
Informations générales
Public
Cette formation est destinée aux auteurs-autrices, réalisateurs-réalisatrices, étudiants-étudiantes en art ou en cinéma ou professionnels de l’audiovisuel porteurs d’un projet de création radiophonique ou de podcast narratif.
Pré-requis
Familiarité avec les outils de prise de son et de montage. Connaissance des bases du montage sur un logiciel dédié (tout type de logiciel professionnel comme Reaper, Logic, Nuendo, Protools etc…).
Etre porteur.se d’un projet précis au stade de l’enregistrement ou du montage.
Modalités
Présentiel + visioconférence, pour combiner l’efficacité des deux situations
Le formateur prend connaissance en amont des attentes et du parcours de chacun.e.
Evaluation
- Pré positionnement en amont de la formation : dossier + entretien
- Évaluation en continue par le formateur/la formatrice
- Évaluation finale avec mise en situation : réalisation d’un projet documentaire
Un entretien individualisé à l’entrée en formation et à l’issue de la formation, permettent de mesurer la progression réalisée par chaque participant au regard de ses objectifs personnels. Une attestation individuelle de fin de formation, rappelant les objectifs visés, est remise à chacun. Un questionnaire d’évaluation qualitative du stage est soumis à chaque participant après la formation et analysé par l’équipe pédagogique. Ces retours permettent d’optimiser le dispositif du stage.
Admission en formation
Chaque candidat reçoit en amont de la formation un questionnaire d’auto-évaluation dans lequel il retrace son parcours et formule ses besoins. Nous nous assurons ainsi de l’adéquation de vos attentes avec les caractéristiques de la formation. Ce questionnaire d’autoévaluation est à solliciter et à retourner par mail (info@phonurgia.org) au minimum un mois avant le début de la formation. Une sélection sur dossier est effectuée.
Critères d’admission
– Pertinence du média sonore au regard du projet décrit par les candidats
– Entretien préalable avec l’organisme de formation
Moyens pédagogiques
Travail individuel et collectif (avec possibilité d’emprunter du matériel de prise de son pour aller plus loin dans la quête du matériau sonore)
Un studio doté d’une bibliothèque sonore et d’une phonothèque de référence.
L’encadrement est assuré par des professionnel·les en activités, engagés en faveur du documentaire de création.
Moyens techniques
Nous mettons à disposition du matériel de prise de son, montage et mixage. Parmi lesquels : stations de montage MacBookPro et PC équipées du logiciel Reaper. Surfaces de contrôle Icon Plateforme M. Ecoutes monitoring : Cabasse Goelette, Yamaha HS8 MP ou Génélec 8040. Enregistreurs : Zoom H5 et Sounddevice MixPre 3. Casques : Beyerdynamic DT 770 Pro. Microphones : Beyer 88, Rode NT3, NT4, NT5, Shure SM58, AudioTechnica AT 825, AT 40415, AT 8022, Sennheiser MD 21. Schoeps CCM41 et CCM8. Perches, bonnettes, Rycote. Nous vous recommandons néanmoins de vous munir de vos propres équipements (casque, micros, enregistreur, ordinateur) si vous en possédez. Vous conserverez ainsi vos repères personnels, et pourrez en approfondir la maîtrise.
Intervenants
Documentariste et créateur sonore, Benoît Bories produit des documentaires et des créations sonores pour France Culture, Arte radio, la RTBF, la RTS, Deutschland Radio Kultur et ABC. Depuis quelques années, il élabore également des créations sonores pour le spectacle vivant, des installations et des performances live. Au cours de ses expériences, il a été amené à établir un formalisme d’écriture sonore qui lui est propre, empruntant au documentaire social, à la composition acousmatique et à l’écologie sonore. Benoit Bories a remporté plusieurs prix et nominations à l’international.
Retour d'expériences
Informations
21 Jan 24 Jan 2025 Stage 1_2ème partie : Arles Toutes les sessions :
1 Avr 4 Avr 2025 Stage 2_1ère partie : Arles Toutes les sessions :
Stage 2_1ère partie : Dinard Toutes les sessions :
31 Juil 3 Août 2025 Stage 2_2ème partie : Arles Toutes les sessions :
4 Nov 7 Nov 2025
Durée : 2 x 4 jours + visio 1 heure (57 heures)
Effectif : 7 participants maximum
Etudiant : 600 euros
Individuel : 900 euros
Formation continue : 2850 euros
Financement OPCO (AFDAS,…) ou Pôle Emploi possible
Plus de renseignements sur ce stage
Par téléphone au 06 09 64 65 39
Par email : info@phonurgia.fr