nouvelles des résidences - à Euphonia – Phonurgia Nova
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nouvelles des résidences – à Euphonia

nouvelles des résidences – à Euphonia

A la veille de la présentation publique de leur dernière création, le 11 mars à Bruxelles à l’ACSR, Clarice Calvo-Pinsolle et Léa Roger –  les deux autrices de Magma Matters qui a bénéficié d’une bourse phonurgia nova / Euphonia à Marseille – prennent le temps de revenir sur l’aventure de ce documentaire dont le projet est né il y a deux ans.

D’où venez-vous ? Et Comment êtes vous l’une et l’autre arrivées au «  son » ?

Clarice: je suis originaire du Pays Basque, de Bayonne. Je faisais de la musique quand j’étais petite mais c’est plus tard durant mes études que je me suis vraiment consacrée au son. J’ai fait les Beaux Arts de Nice, la Villa Arson. Et pendant les deux premières années je faisais de la vidéo et c’est là que j’ai commencé à bidouiller du son pour me tourner ensuite vers des installations. On avait un grand studio son donc je pouvais expérimenter, fabriquer des micros, enregistrer des sons etc.. et petit à petit j’ai accumulé une bibliothèque sonore que j’utilise pour mes compositions, qui accompagnent mes installations et mon projet musical Lamina.

Léa : Je viens de Brest, en Bretagne. J’ai commencé la harpe celtique à 7 ans, à la manière de l’apprentissage des musiques modales – à l’oreille. A l’adolescence mon père m’a acheté un mini-disc et j’ai commencé à enregistrer les sons de mon quotidien, sans aucune volonté d’en faire quelque chose, juste car cette pratique me faisait du bien. Par la suite j’ai développé l’improvisation libre avec ma harpe et expérimenté avec des pédales d’effets et l’amplification. Puis plus tard, après des études en musicologie puis en anthropologie et sound studies, j’ai suivi un cursus de 5 ans en électro-acoustique au conservatoire de Mons. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire quelque chose de cette pratique de field recording qui ne me quittait pas depuis mon adolescence, j’ai commencé à jouer de mes sons, en les sculptant sur l’ordinateur.

Que signifie Magma Matters et comment est née l’idée de ce projet ?

Le titre signifie “le magma qui nous concerne”. Le projet est né de notre rencontre, il y a un peu plus de deux ans, via l’endométriose. On cherchait toutes les deux à pouvoir se soigner via des méthodes somatiques et énergétiques, un ami nous a mis en contact. Nous avons d’abord échangé sous forme de messages vocaux et mails, puis nous nous sommes rencontrées et sommes devenues amies, ça faisait du bien de pouvoir enfin trouver de l’écoute par quelqu’un qui comprend tes douleurs et ce qui te fragilise au quotidien. On partageait deux choses : la passion du son et l’endométriose, très vite ça nous a paru évident que nous devions faire quelque chose d’artistique autour de notre maladie, c’était un élan plutôt intuitif. 

Quels sont ses enjeux de ce documentaire radio ?

Au départ, il y a l’idée de parler de manière ouverte de notre parcours face à la maladie et de faire entendre, sans tabou ni déterminisme, des ami.es qui en souffrent aussi. Nous voulions ajouter d’autres perspectives à celles que projettent les médias actuellement, dans une continuité de production de savoir sur cette maladie qui reste encore invisibilisée et incomprise. Nous voulions surtout donner à entendre le point de vue de personnes souffrant de cette pathologie – mais sans vouloir faire de généralité, car chaque cas d’endométriose est singulier. Sans exclure pour autant l’éclairage de chercheureuses pour pouvoir croiser  vécu et production de savoirs. Le documentaire part de nos expériences personnelles, et de celles de nos ami.es (qui font partie d’un certain milieu et qui partagent une même cosmogonie). Il s’agit donc d’un tissage entre nos ressentis, nos expériences de thérapie, des paroles plus scientifiques… Des allers-retours entre intériorité et réflexivité…  ce qui amène à des questions plus larges sur les émotions, le corps, le patriarcat, les expériences sensibles et une tentative de déconstruire des mécanismes sociétaux induits.

Quelles ont été les étapes de sa création et que s’est-il joué durant votre résidence chez Euphonia à Marseille ?

Nous sommes arrivées à Marseille avec une grande quantité de sons à trier et organiser : l’équivalent de deux ans de nos séances en thérapie individuelle. A quoi s’ajoutaient les paroles des chercheureuses rencontrées durant cette période. La résidence à Marseille a eu lieu à la fin de ce processus de tournage et de collectage, nous avions commencé à derusher et nous commencions à tester des séquences de montage ainsi qu’à créer toutes les parties musicales et le sound design. Arrivées là-bas les choses se sont faites organiquement. Nous avons monté notre première séquence, qui se trouve être aujourd’hui l’introduction de la créa. Aussi, nous avons pu avoir de très chouettes échanges et retours avec Jean-Baptiste Imbert, le coordinateur de Radio Grenouille ainsi que d’autres membres de l’équipe, qui ont alimenté nos chemins de pensée pour la construction de la création. Nous avons également procédé à l’enregistrement de nos machines électroniques, et nous avons improvisé à deux, en enregistrant la matière sonore qui a servi à la composition musicale et au sound design. Cette matière est constituée de sons issus de capteurs électromagnétiques, procédés de feedback, field recording, boîte à rythme, synthétiseur et de beaucoup de textures. De là est né un projet musical : que l’on a nommé “Ominaré” avec lequel nous avons fait deux concerts.

Le passage à l’étape de réalisation impose parfois à certains renoncements. A quoi avez-vous renoncé ?

Ayant beaucoup enregistré, nous avons dû renoncer à beaucoup de matière sonore. Cela a été difficile pour nous de devoir faire des choix dans la masse d’enregistrements collectés et de ne pas pouvoir partager tous ces échanges et toutes ces informations récoltées. C’est pourquoi nous imaginons un  site internet où la matière que nous n’avons pas pu utiliser pourra se trouver en écoute libre (toutes les interviews avec les chercheureuses et praticiens par exemple, qui sont passionnantes).

A l’inverse, le passage à la réalisation peut être l’occasion de découvertes. Quelles furent-elles ?

Nous avons été surprises par la collaboration organique et joyeuse qui s’est nouée entre nous deux. On a tout partagé : prise de son, montage, sound design, musique, narration. C’était beau de voir le projet prendre peu à peu son envol dans une sorte de quatre mains. Et si on doit parler d’un point de vue plus technique : surprises par des choses liées à l’enregistrement. Par exemple, se rendre compte qu’une mauvaise acoustique de salle lors du tournage, ou des travaux qui commencent à côté ce jour-là, ou qu’une mauvaise isolation des lieux, qui fait entendre un énorme trafic dans la rue, peuvent être problématiques…  Il nous a alors fallu faire avec, parfois renoncer à certains sons. C’est ainsi qu’on progresse. Nous avons progressé aussi sur les questions d’organisation des rushs, fichiers sons, séquences…  C’est le métier qui rentre, haha : c’est en faisant qu’on trouve ses propres chemins et sa manière de faire.

Le 11 mars, ce sera l’occasion pour vous de faire le bilan de vos avancées et de faire écouter votre pièce parmi les pépites sorties récemment sur la plateforme Radiola. Magna Matters va prendre ainsi son envol vers de nouvelles oreilles. Qu’apporte l’écoute publique ?

Il est important pour nous d’être en lien direct avec des auditeurices afin de pouvoir discuter et d’échanger sur les sujets que nous abordons. Nous souhaitons d’ailleurs organiser d’autres écoutes publiques dans des milieux hospitaliers, de soin, des lieux collectifs ou dans des écoles par exemple… afin de pouvoir sensibiliser sur ce sujet. L’endométriose reste encore une maladie très invisibilisée, comme de nombreuses maladies chroniques. Sur le plan de la qualité sonore, nous attendons aussi beaucoup de cette diffusion. Une écoute publique permet en principe une qualité sonore optimale, foncièrement différente de l’écoute domestique. C’est aussi le plaisir d’être à plusieurs à écouter, de partager son écoute avec d’autres.

Quels sont les auteurs radiophoniques ou sonores dont vous vous sen­tez les plus proches ? 

Yann Paranthoën, Luc Ferrari, Hildegard Westerkamp, Beatrice Ferreyra pour les ancien.nes. Pour les plus récent.e.s : Cabiria Chomel, Judith Bordas, Myriam Pruvot, Charo Calvo, Gilles Mardirossian, Laure Rabillon, Juliette Volcler, Peter Cusack, Jana Winderen, Aline Penitot, Julia Drouhin, Victoire Tuaillon, Iga Vandenhove, Sophie Berger.

Quelle forme de radio défendez-vous ?

Une radio libre, intuitive, décomplexée. Des expériences plutôt que des choses toutes ficelées, lissées, dessinées. Une radio aventureuse, sensible, sensitive et physique. Une radio militante, porteuse de nouvelles perspectives, ouverte, sans tabou, expérientielle.