Jean-Guy Coulange en résidence au Dinard Podcast Festival – Phonurgia Nova
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Jean-Guy Coulange en résidence au Dinard Podcast Festival

Jean-Guy Coulange en résidence au Dinard Podcast Festival

Né en 1955, Jean-Guy Coulange a longtemps multiplié les expériences musicales comme multi-instrumentiste, producteur et compositeur (chanson, théâtre, danse, cinéma ou radio). Après 2008, il se consacre à la composition sonore et radiophonique. Il produit des essais radiophoniques personnels. Qui est Le Havre ? a obtenu le prix multicanal de l’INA. Créateur de podcasts pour Le Labo de la RTS notamment, mais aussi pour la RTBF ou France Culture, il est aussi auteur de plusieurs livres de photographies, textes et peintures (en prolongement des œuvres sonores) comme Je descends la rue de Siam (2016), La Traversée du paysage (2018), Route Finistère Sud (2019), Bruissons (2020) tous parus chez l’éditeur lyonnais, Hippocampe. Nous rencontrons Jean-Guy Coulange à la veille de sa participation au Dinard Podcast Festival sous la forme d’une exposition (à la Fondation Solacroup) comprenant un film sonore, des photographies, des aquarelles et un livre. 

Enregistrer une image à travers la photographie, ou enregistrer un son, est-ce le même processus ?
La réponse à cette question peut être très longue… ou très courte ! Version courte : apprendre d’abord à regarder ou écouter, tel est le début d’un processus commun.

Si vous deviez retracer les lignes saillantes de votre parcours d’artiste, que diriez-vous ?
Les découvertes, les expérimentations ( jusqu’en 80 ), l’écriture casanière dans le registre de “L’intime” (chansons notamment, jusqu’en 2006 ), et depuis, une longue route de création nomade : “L’intime et le politique”.

Que signifie : ” l’intime et le politique ” ?
Ce n’est pas simple de les résumer en deux mots ; essayons : ma période chanson a correspondu à une sorte d’état des lieux de mon intimité, de comment je prépare mon petit déjeuner solitaire à mes vertiges amoureux sur les collines de Giono en passant par la dérision de l’autoportrait. Puis, j’ai sorti les micros du studio (vrai studio ou chambre à coucher ). Depuis, je tente d’enregistrer le monde, les paysages, les êtres mais il s’agit toujours d’intimité. Je ne documente pas, je vais au devant de l’autre et j’écris ce croisement d’intimités. C’est ce que j’appelle l’intime et le politique.

Diriez-vous que l’art est vital ou viral ?
Il est vital pour tout le monde, peut-être légèrement viral en ce qui concerne les artistes.

Le Dinard Podcast Festival prend possession des plages durant quatre nuits d’écoute, vous qui êtes un grand voyageur, que vous inspire cet événement ?
Je ne suis pas un grand voyageur au sens où je n’endosse pas l’étiquette un peu à la mode de “l’artiste voyageur “. Les plages c’est une bonne idée : mais peu importe où pourvu qu’il y ait écoute.

Pourquoi est-elle si importante ?
Il faudrait un livre entier pour répondre à vos questions ! Déjà, tout bêtement parce que l’on n‘écoute pas, l’on n’écoute plus. Ecouter, c’est aller en dedans de soi-même car on écoute avec ce dedans. On écoute ce qui a eu lieu et comme en amour, on ne sait pas ce qu’il y a après. Dans une autre question vous parliez de ce qui rassure ou de ce qui effraie. Dans un sens, écouter n’est pas très rassurant, c’est peut-être pour cela que nous avons tendance à avertir en permanence l’auditeur : c’est untel qui parle, nous voici à tel endroit. Si on enlève les panneaux indicateurs, c’est comme si on bandait les yeux de l’auditeur en lui disant : laisse-toi aller, fais-moi confiance, écoute. Pour ma part c’est ce que j’essaie de faire.

Comment se sont constitués vos paysages bretons ?
Ils se sont constitués peu à peu.  Mon point de départ, c’est l’image du poète Antoine Emaz qui décrit son jardin depuis l’intérieur de sa maison, depuis son bureau. Une fois qu’on a fait le tour du jardin, on franchit la haie pour voir le jardin du voisin, puis un autre, etc.

Votre travail pourrait être qualifié de méditatif en même temps qu’il est emprunt de nombreuses déambulations ; le silence, les silences, est-ce rassurant/ effrayant ?
Méditatif ? Je ne sais pas. Un peu contemplatif peut-être. Le silence ? Enfin, le faux silence, car le silence n’existe pas. Le silence habité. Mais ça n’est pas tant le silence qui est inquiétant, c’est de ne pas savoir ce que l’on va écouter, là où l’auteur veut nous emmener. Quand j’emprunte ma Route Finistère Sud, je coche juste deux ou trois points sur la carte. Pour le reste, je ne sais encore rien.

Le Dinard Podcast Festival a à cœur d’encourager la jeune génération qui s’empare des outils d’enregistrement pour travailler la parole, le silence, le son. Que diriez-vous à ces jeunes artistes, en cette année 2021 ?
Je les encouragerais à essayer, expérimenter, et à travailler seul (désolé si c’est une obsession anti-france-culturienne, Paranthoën disait que dès qu’on est plusieurs, on doit faire des compromis), à se tromper, à prendre du temps. Et surtout, de ne pas suivre cette injonction trompeuse de radicalité. Radicalité vient de racine ; il faut trouver ses propres racines, sa propre voie.

Comment décririez-vous l’expérience d’écoute d’une fiction sonore ?
J’observe depuis un certain temps un engouement pour ce que d’aucuns appellent ” fiction “. Qu’est-ce qu’une fiction ? Une histoire ? Des personnages ? Des dialogues ? Et qu’est-ce qu’un documentaire ? Dès lors que nous appuyons sur la touche record, nous ne sommes plus dans la réalité. Tout commence et tout devient fiction. Et chaque personne que j’enregistre devient un personnage de cette fiction.

Entretien collecté par Hélène Courtel. Retrouvez la présentation de l’exposition Jean-Guy Coulange à Dinard sur CALAMEO