"Faire du son un spectacle vivant" – Phonurgia Nova
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“Faire du son un spectacle vivant”

“Faire du son un spectacle vivant”

C’était la devise de l’ACR de France Culture. René Farabet, son animateur, nous a quitté le 20 juin dernier. Son sourire désarmant, sa belle voix de comédien, son humour, sa rigueur et son intelligence vont nous manquer. Mais les productions de l’ACR, qui illuminèrent les programmes de France Culture durant plus de 30 ans, rayonneront longtemps encore, bien au-dessus du babil des ondes, dans nos mémoires. Né dans la résonance de mai 68, voulu par le poète Jean Tardieu et Alain Trutat, cet Atelier d’un genre inédit fut le laboratoire des émissions les plus libres et les plus audacieuses jamais diffusées sur les ondes publiques. S’inscrivant dans la filiation directe du studio d’essai de Pierre Schaeffer, la radio a accouché là de ses émissions les plus surprenantes. Celles qui l’élèvent au rang d’un art sonore. Mettant en avant l’écoute du réel et des gens, l’invention radiophonique, la plasticité du sonore et la taille des sons. La disparition de René Farabet ravive la question du devenir de cet immense héritage sonore. Une question qui peut s’entendre au moins de deux manières : a) « Comment prolonger l’expérience de l’atelier, à l’heure où de les supports numériques bouleversent les usages de la radio ? et b) comment rendre accessible au plus grand nombre le trésor radiophonique constitué par ces 1 400 émissions léguées par 30 années de recherche inlassable et de production ? Lui-même s’interrogeait : « Passé le temps de l’expérience, que reste-t-il ? Quelques milliers de sons relégués dans des chambres froides, pris dans la glace, guettés par l’oubli. Mais dans l’oreille même persiste comme un clapotis intermittent : l’oreille a la forme d’un coquillage, et la mémoire y travaille par vagues successives, puis en goutte à goutte… » Sa question résonne plus fort maintenant qu’il n’est plus.

On espère que France Culture pourra rapidement élargir le choix des ACR disponibles sur son site et mettre avant les productions que René Farabet considérait lui-même comme les plus emblématiques de cette aventure sonore. Celles de Yann Paranthoën, Gérard Mordillat, Georges Perec, Valère Novarina, Nicolas Frize, François Billetdoux, Georges Aperghis, Andrew Orr, Jean-Yves Bosseur, Christian Rosset, Kaye Mortley et de tant d’autres… En attendant cette exhumation, on pourra lire ou relire les ouvrages que René Farabet a publiés ici ou là, et l’écouter parler de la radio, dans quelques rares documents audio déjà disponibles. On relira par exemple cet entretien (L’espace sonore de René Farabet, p.15) recueilli en octobre 2003 par Franck Tenaille pour le journal arlésien Cesar. René Farabet y fait retour sur l’Atelier, un projet « mu par le désir un peu turbulent de renouveler les formes radiophoniques et la volonté de faire entrer la vie dans les studios ». Du côté des livres, ses essais sur ce qu’il appelait l’écoute « au guet » sont incontournables : « Bref Eloge du coup de tonnerre et du bruit d’ailes », un recueil de textes d’une qualité littéraire rare, rassemblés en volume par Phonurgia Nova en 1994, et “Théâtre d’ondes, Théâtre d’ondes” paru en 2011 aux éditions Champ Social. On retrouvera sa voix impeccable dans cette lecture-performance  enregistrée par Radio Grenouille lors d’une manifestation organisée par Jean-Marc Montera de Montevidéo à MarseilleA propos de cette intervention, Etienne Noiseau notait avec pertinence : « René Farabet possède une manière unique de parler du son et de la radio. Il manie une langue imagée, poétique, qui est peut-être la seule valide pour parvenir à représenter par le langage la complexité des phénomènes en jeu dans l’expression radiophonique. »